Il y a 8 ans, j’ai planté deux vignes sous ma pergola en espérant qu’elles me donnent un coin d’ombre accueillant lors des fortes chaleurs estivales. C'est une variété qui résiste très bien aux conditions difficiles que nous connaissons en Belgique; il s'agit de la variété Boskoop Glory d'origine hollandaise
Très vite, je me suis retrouvé avec plusieurs dizaines de kilos de raisin noir aux petits grains mais néanmoins succulents (surtout les années ensoleillées)… Ne sachant quoi en faire, je le distribuais à qui le voulait, bien content de pouvoir faire plaisir. En octobre dernier, ma petite-fille de dix ans, me dit en dégustant une grappe de ce raisin, qu’elle avait appris à l’école tout ce que l’on pouvait faire avec du raisin. Et là, elle me posa une question qui provoqua chez moi le déclic…
-« Papy, tu sais faire du vin ? »
-« Non, ma chérie… je ne sais pas faire du vin !… Mais on peut essayer si tu veux..., qu’en penses-tu ?
Curieux de nature, j’ai touché à beaucoup de choses dans ma vie. Je me souviens quand j’avais 10 ans avoir écrasé du raisin avec mes pieds quand mon père aidait mon grand-père à faire son vin… Mais étant tous deux décédés depuis très longtemps, je n’ai pas pu profiter de leur savoir faire qui s’est éteint avec eux… Je me suis donc connecté sur le net avec la petite et, nous avons commencé à rechercher comment faire son vin… Je lui promis que pour le week-end, j’aurai préparé le nécessaire pour faire notre expérience… C’est ainsi qu’une nouvelle passion naissante prit pas mal de mon temps les jours et semaines qui suivirent….
Je viens de mettre le premier vin en bouteille qui, ma foi, est digne d’un beaujolais nouveau et en étonne plus d’un… y compris ma femme. Elle ne voyait pas d’un bon œil « ma nouvelle lubie » qui encombrait encore un peu plus mon atelier de montage « mouche » et mon garage… Elle l'apprécie tellement, que j’ai eu son consentement pour réaliser un vin de fraise… Vin qui promet beaucoup, bien que je le trouve un peu trop acide… Près de 20 litres sont en train de clarifier…
Cette année, je voudrais partager avec vous cette nouvelle passion qui m'anime et, je vous invite donc à suivre en même temps que son élaboration ma nouvelle cuvée 2011... A chacune des étapes importantes de la vinification, je m'engage à vous présenter ma façon *de faire du vin à défaut de pouvoir le goûter ensemble

(*) Etant un néophite, je n'ai pas la prétention de dire que ce petit reportage ne comporte pas d'erreurs (loin de là). Il a pour but de répondre à pas mal de questions que tous les débutants se posent (j'ai passé par là). Voir un texte documenté d'images peut rassurer certains hésitants. Quant aux vinificateurs avertis, je les prie d'être indulgeants tout en leurs demandant de ne pas hésiter à me corriger ou à complèter mon texte qui pourrait vous paraître incomplet...
Merci d'avance et bonne lecture.
ETAPE 1 - Vendanges - Égrappage - Pressage - Contrôle et Correction du moût
Vendanges le samedi 17 septembre 2011
Les vendanges
Bien que le raisin ne soit pas complètement mûr, je prends la décision de commencer la cueillette. Le manque de soleil dû au mauvais temps est la principale cause de la piètre qualité de la récolte 2011. Certains grains se détériorent déjà alors que d’autres sont encore verts sur la même grappe. Nous n’aurons pas mieux cette année. Il faudra donc jouer d’astuces pour pallier à ces inconvénients.
Mais avant toutes choses, je dois nettoyer et désinfecter tout le matériel que j’utiliserai pendant la préparation, à savoir :
Fûts en PVC pour la fermentation, les barboteurs, une marmite en inox, un presse-purée, un seau en plastique réservé pour le nettoyage des aliments en cuisine, une louche, un chinois, un pichet PVC gradué et tous mes instruments de mesure (éprouvettes, cuillère, densimètre,…). Le tout est nettoyé soigneusement avec un mélange désinfectant que je réalise moi-même suivant une recette reprise sur un site d’amateurs de vin…
Pour ce faire, j’emploie du sulfite (méta-bisulfite de potassium) mélangé à un acide (acide citrique) aux doses suivantes :
10 à 20 gr de méta-bisulfite / 10 L d’eau + 5 gr d’acide citrique à 80% (25ml dilué à 1 mole)
Un bon rinçage et voilà le matos fonctionnel et sans risque d’infecter le moût (enfin, j’espère).
Merci à mon fils Michaël d’avoir accepté de poser pour la photo.
Eraflage (ou égrappage) des grains
L’éraflage est l’action consistant, après la vendange, à séparer les grains de raisin de la rafle, support pédonculaire vert et ligneux qui structure et soutient la grappe. Si on laisse macérer la rafle, elle donne au jus de raisin un goût herbacé. L’éraflage n'est pas pratiqué systématiquement, certains vinificateurs choisissant ainsi de laisser macérer les grappes de raisin entières. Cette pratique produit généralement des vins plus structurés et plus tanniques qui demandent souvent à être conservés quelques années avant ouverture. Les vins issus d'un éraflage partiel ou total gagnent en « rondeur » et sont souvent de dégustation plus immédiate. C’est ce que je recherche.
L’éraflage est l’opération la plus fastidieuse lors de la préparation du moût, mais elle permet de trier le raisin qui n’est jamais parfait. On peut donc l’améliorer un peu avant la vinification en enlevant les grains pourris, moisis ou encore vert.
Merci à Anna pour le coup de main précieux qu’elle m’a donné malgré qu’elle n’aime pas le vin …
Pressage
Les grains sont pressés à l’aide d’un presse-purée… (J’aurais pu mettre les grains dans un grand récipient et les écraser avec les pieds comme nos anciens le faisaient mais bon, comme je n’en ai pas des tonnes… juste une cinquantaine de kilos).
Je profite du premier jus que je récolte dans une éprouvette afin de mesurer la densité du moût à l’aide d’un densimètre à trois échelles. Le premier relevé me donne raison quant à la piètre qualité du moût. Je relève :
1070 de densité > 180 gr/litre de sucre > 9,3% de volume d’alcool potentiel.
De suite, je décide de rehausser ces valeurs en ajoutant Deux boîtes de jus de raisin concentré (c’est interdit pour les vins commercialisés mais, je ne tiens pas à me donner toute cette peine pour réaliser de la piquette…). Ce concentré est pur, sans agent conservateur ou autres saloperies. Les deux boîtes pèsent ensemble 1,8 kg pour un volume de 1,4 litres. Ce qui porte le volume total de mon moût à 41 litres.
D’emblée, la densité est remontée à 1080 > 220 gr de sucre/litre > 10,5% de vol.
C’est mieux, mais toujours insuffisant. Il faudra ajouter du sucre pour augmenter le taux d’alcool. C’est la levure qui transforme le sucre en alcool.
Calcul du sucre à ajouter – Relevé et correction de l’acidité
Une autre étape incontournable, c’est le "gratte méninge", heureusement avec l’aide de la calculette et des précieux conseils glanés sur le net… Vive internet !
Petit exercice pour améliorer le taux d’alcool :
J’ai un moût faisant 1080 de densité et je veux avoir un vin faisant 13% de volume en alcool.
Dans le vin, il y a d'autres produits que le sucre, c’est pour cela que je retire 8° oeschle. *
80° - 8 = 72° oeschle.
(*) Certains n’enlèvent pas les 8° et se retrouvent souvent avec un vin moins alcoolique que souhaité. Sur le site "Faeva" à la réputation bien connue, ils le font… Donc, moi aussi)
Pour transformer les degrés oeschles en % de volume en alcool. Il faut diviser ceux-ci par 7,6.
72° / 7,6 = 9,474% en volume d’alcool.
Comme je veux un vin faisant 13% en volume d’alcool il faut ajouter :
13% - 9,474 = 3,526 % en volume d’alcool.
Pour retrouver les degrés oeschle je fais l’opération inverse :
3,526 x 7,6 = 26,798°
Si j'ajoute du sucre (du commerce) de betterave ou de canne(je préfère celui de canne), il faut regarder dans une table de correction à sucre de betterave ou de canne où on trouve le chiffre 0.38.
26,798 / 0,38 = 70,52 g de sucre par litre de moût.
Comme j’ai 41 litres de moût, il faut :
70,52 x 41 = 2891 grammes de sucre pour 41 litres de vin.
Je vais ajouter le sucre en deux fois. Soit 2 kg la première fois et le reste pendant la fermentation lorsque je verrai celle-ci diminuer. Je fais donc un sirop avec 2 paquets de sucre de canne et 0,7 litre d’eau. Une fois refroidi à température ambiante, je l’incorpore au moût en mélangeant convenablement.
Mesure et correction de l’acidité :
La mesure de l’acidité se fait à l’aide d’un acidomètre. On remplit jusqu’à un niveau précis une éprouvette graduée à l’aide du jus filtré récolté dans le moût. On verse goutte à goutte un réactif bleu (alcalin) jusqu’à ce que la couleur verte passe au bleu. Le niveau atteint sur la graduation de l’éprouvette indique l’acidité en grammes/litre.
Ce relevé me donne 8 gr/l d’acidité.
Pour un vin fort à 13%-15% vol. d’alc. on préconise 8 à 10 gr/l (9gr/l de moyenne).
Étant donné que l’acidité diminue avec la fermentation (1 à 2gr), je serai trop bas en fin de fermentation. Je décide d’augmenter légèrement l’acidité :
Il me reste 52 gr d’acide lactique à 80% (Lactol). La dose normal est de 15 gr/10 litres pour augmenter l’acidité de 1 gr/litre.
Pour mes 41 litres de moût, il faudrait > 15 gr x 4,1 = 61,5 soit 62 gr
Comme je ne sais mettre que 52 gr au lieu des 62 gr, une simple règle de trois m’indique que j’ai augmenté l’acidité de 0,84 gr/l au lieu de 1 gr/l (c’est déjà ça de récupéré)
Soit, une acidité corrigée à 8,84 gr/litre
A la limite, l’acidité pourra encore être corrigée lorsque le vin sera fermenté. D’ici là, j’aurai reçu ma nouvelle commande d’acide… et, s’il le faut je corrigerai encore...
La suite demain ...